Les secousses provoquées par la pandémie ont ébranlé l’existence même du bureau. Ce dernier, est-il voué à disparaître ? Avec la mise en place ultra-réactive du télétravail, nos open spaces et autres lieux de travail ont été radicalement désertés pendant plusieurs mois, supplantés par des méthodes de collaboration 100% digitales.
La disparition du bureau tel que nous le connaissons, ou des bureaux satellites, est difficile à concevoir. Parmi les centaines d’entreprises avec qui nous avons échangé, aucune ne peut se l’imaginer. Le sujet n’est pas celui de la disparition du bureau, mais bien de sa profonde transformation.
“Venir au bureau au quotidien n’est plus indispensable pour tout le monde.” C’est la réponse d’une large majorité des entreprises que nous avons interrogées. Pourtant, les trois quarts d’entre elles considèrent que le lieu de travail partagé entre collègues devra servir à promouvoir la relation entre chacun, au profit d’un meilleur environnement de travail.
Pour être plus précis : à la question “Aujourd’hui pour quelles raisons est-ce utile de venir au bureau ?” Ils répondent :
La fonction profondément sociale du bureau, voire socialisatrice, a été plus que jamais mise en lumière par la crise sanitaire. L’isolement que provoque l’excès de télétravail chez le collaborateur, est un aspect que le futur bureau doit prendre en charge. On a vu pendant le confinement, des équipes séparées, de longs mois durant, provoquant une vraie « souffrance » au travail des salariés, selon la majorité de nos interviewés. Le besoin d’être ensemble a d’ailleurs été révélé bien au-delà du travail par cette épreuve collective. D’ailleurs la quasi-totalité des répondants, avaient à cœur de se parler au cours de “café Zoom” pendant cette période d’éloignement, créant un nouvel espace de travail.
De plus, avec les dérives de l’open space, nous voyons à présent que la communication n’est pas une simple affaire d’être au même endroit. Elle relève d’aspects plus subtiles et plus complexes pour être vraiment productive et créatrice de valeur dans de nouveaux environnements.
Alors comment installer la création de liens dans les locaux de l’entreprise ou des tiers-lieux ? La convivialité oui, mais avec la juste dose. Des experts déplorent la tendance à l’“hyper convivialité”. Ils y rangent les toboggans de chez Google ou la tendance à intégrer des baby-foot au bureau. Leurs avis et celui des dirigeants d’entreprise est de ne surtout pas le faire passer avant les fonctions évoquées précédemment. L’attractivité du bureau doit être étudiée avec finesse, car elle est réellement stratégique. Elle ne doit en revanche pas être réalisée au détriment des autres fonctions de la vie professionnelle, à savoir travailler et échanger entre collaborateurs.
Ce besoin de convivialité se traduit concrètement par la création et le développement d’un rôle à part dans l’entreprise : l’Office Manager. Ce poste, souvent rattachée à l’équipe Ressources Humaines, a pris toute son importance ces dernières années. Même si certains Office Managers nous ont raconté leur détresse de ne plus pouvoir gérer l’objet de leur travail pendant les périodes de confinement, leur rôle est aujourd’hui crucial. Le poste est progressivement confié à des professionnels de plus en plus expérimentés, jusqu’à avoir une équipe entière de Facility Management, comme chez Blablacar par exemple, où l’Office Manager reporte directement à la direction de l’entreprise.
Autre signe que les temps changent, une communauté d’Office Managers se forme, et les professionnels échangent régulièrement sur leurs meilleures pratiques, à l’image de ce qui se fait depuis longtemps en Ressources Humaines. Des canaux Slack regroupent chacun plusieurs centaines de professionnels de différentes entreprises, qui échangent sur leurs habitudes et cherchent des conseils. Cette reconnaissance du rôle de l’Office Manager comme un rôle crucial dans la culture d’entreprise, en dit long sur la révolution qui a lieu autour du bureau comme lieu central de l’expression de la culture d’entreprise.
Si la crise a montré l’importance des liens entre collaborateurs, elle a aussi révélé un besoin criant de calme, d’isolement et parfois d’un bureau fermé. A l’instar des travailleurs indépendants ou des nomades, les salariés peuvent avoir besoin d’un espace de travail personnel ou d’un bureau individuel. L’enjeu du partage des espaces du foyer entre plusieurs générations a beaucoup fait parler de lui. Nous ne pouvons pas mieux le formuler qu’Alain d’Iribarne, sociologue du travail :
“Pour être idéal, le bureau doit d’abord répondre aux fondamentaux du « bien travailler ». Il doit être un lieu laissant pénétrer la lumière naturelle, offrant un confort thermique, du calme, du confort ergonomique et, bien sûr, des lieux en commun.”
Cela peut paraître trivial, mais l’ergonomie du plus micro au macroscopique joue sur la productivité des équipes : le confort des chaises, la qualité du mobilier, le bruit, les odeurs, les prises disponibles, l’éclairage, l’insonorisation, la température, la présence de plantes, la proximité avec ses voisins, les trajectoires de chacun dans la pièce… Ces besoins sont d’autant plus importants que le bureau est en compétition avec la maison : il doit alors faire preuve d’une écoute très fine de ses collaborateurs pour assurer une bonne qualité de vie au travail, s’il veut que ses derniers lui rendent visite.
Pour être complémentaire avec la maison, le lieu de travail doit être professionnel. Toujours d’après Alain d’Iribarne :
“Il faut qu’il y ait plus de places que le nombre de personnes, des places qui correspondent à des postures de travail différentes pour que les salariés bougent, se rencontrent, dans des espaces clairement identifiés pour des fonctions différentes (se concentrer, téléphoner, échanger via visioconférence, faire des points rapides, animer des séances de coaching, des réunions, des conférences...).“
Le bureau, aussi pour permettre l'émulation, doit faire place au mouvement des collaborateurs. C’est ce besoin qui a donné naissance au concept d’activity-based working, où le bureau n’est plus unique mais divisé en zones correspondant aux fonctions de l’entreprise qui s’y installent, temporairement ou de manière fixe. On retrouvera ainsi des zones “silence” et des zones “bruit” ; des zones “tech” suréquipées et des zones “flex” aux bureaux vides et épurés. Chacun peut travailler dans les bureaux en fonction de ses besoins.
Découvrez ci-dessous, un exemple de zoning effectué via l’application Deskare dans une entreprise de livraison, où les espaces de travail ont été adaptés et où le flex office a été mis en place, au profit de bureaux partagés. Les équipes Tech se voient attribuées des zones spécifiques en fonction des équipements présents sur les postes de travail concernés. Les fonctions de Ressources Humaines bénéficient quant à elles, de bureaux dans des zones fermées, pour respecter la confidentialité liée à leur fonction.
Une fois cet espace dessiné, il faut adapter le management et l’emploi du temps à ces requêtes. En effet, installer le télétravail plusieurs jours par semaine, doit nécessiter de communiquer de façon asynchrone, c’est-à-dire de manière différée. L’entreprise Alan est un exemple fructueux en la matière. En utilisant différents modes de communication (messagerie groupée, individuelle, forum…) elle permet de dissocier les phases de travail productif, des phases de collaboration, et ainsi de pouvoir partager le travail efficacement entre ce qu’on fait seul ou en équipe. Alan va loin dans ce mode de communication, en revoyant radicalement la politique de réunion de ses collaborateurs : la no-meeting policy. Ce genre de pratique, selon les collaborateurs, leur permet de profiter pleinement du télétravail.
De tels exemples sont ambitieux, et ne représentent pas l’entreprise moyenne, mais nous montre que cela est envisageable, même à plusieurs centaines de collaborateurs, dans une entreprise qui croît. Les bureaux en open space n’ont pas à disparaître, ils peuvent être simplement repensés pour répondre le plus fidèlement possible aux attentes des salariés qui souhaiteraient travailler en open space, mais également disposer d’un espace de travail personnel.
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