Tout savoir sur le cadre juridique du télétravail à l'étranger

Future of work
February 5, 2024
Publié par
Héloïse

Pouvoir faire du télétravail à l'étranger peut être très attractif pour vos salariés. Mais peuvent-ils travailler depuis n'importe quel endroit du monde, de la Suisse à la Thaïlande, par exemple ? Doivent-ils le déclarer ou obtenir l'autorisation de l’employeur au préalable ? Deskare vous livre ses conseils et détaille les règles juridiques applicables au télétravail depuis l’étranger, autant pour l’employeur que pour l’employé.

Télétravail à l'étranger pour les employés français : est-ce légal ?

La loi française autorise-t-elle le télétravail à l’étranger ?

Juridiquement, aucune loi n’empêche les employés d’une entreprise de pratiquer le télétravail à l’étranger. Le Code du travail est muet sur ce sujet.

Pourtant, le télétravail à distance pose des problèmes autant pratiques que juridiques, qui doivent être réglés en amont.

Élaborer une charte ou un accord d’entreprise sur le télétravail

Il est fortement recommandé à toutes les entreprises qui ont une politique de télétravail de mettre en place un accord d’entreprise ou une charte sur le télétravail. Dans ce document, l’employeur peut y prévoir des règles précises sur le lieu de télétravail de ses salariés. Le télétravail à l’étranger peut, par exemple, y être expressément interdit.

Prévoir une clause de télétravail à l’étranger dans le contrat de travail

Des précisions peuvent également être apportées par l'employeur directement au sein du contrat de travail du salarié. Pour poser un cadre clair, il est important de prévoir a minima les mentions suivantes :

  • Indiquer que l’employeur accepte que le salarié puisse télétravailler de l’étranger ;
  • Préciser la loi applicable à son contrat de travail. Si ce n’est pas indiqué au contrat, le Règlement CE n°593/2008 du 17 juin 2008 dit Règlement « Rome », indique que la loi applicable est celle du pays où le salarié travaille habituellement.

Quelles sont les règles juridiques applicables au télétravail à l’étranger ?

Même si le droit du travail français ne prévoit pas de règles propres au télétravail à l’étranger, des règles plus générales ou internationales s’appliquent.

Télétravail à l’étranger : obtenir préalablement l’accord de l'employeur

Généralement, les accords collectifs d’entreprise ou de groupe, ou les contrats de travail, prévoient que tout collaborateur qui souhaite faire du télétravail à l'étranger, qu'il soit de courte ou longue durée, doit en informer son employeur et obtenir son accord explicite.

L'employeur peut refuser cette demande pour plusieurs raisons :

  • La nécessité de maintenir le salarié disponible pour se rendre sur le lieu de travail physique, si la nature du travail du salarié le justifie ;
  • Les contraintes liées au décalage horaire qui peuvent gêner la communication pendant les heures de travail ;
  • L’employeur doit garantir, dans les mêmes conditions qu’en France, la santé et la sécurité du salarié dans le pays d’accueil, même en situation d'urgence (par exemple, quarantaine). Il peut être tenu de couvrir les coûts de santé non remboursés par la Sécurité sociale française, les frais de rapatriement ou de déplacement ;
  • Le statut du salarié ne peut plus être celui de télétravailleur et son contrat de travail doit être modifié en conséquence s’il s’installe durablement à l’étranger ;
  • Un déménagement décidé unilatéralement par le salarié peut imposer un mode de télétravail non convenu, nécessitant l'accord des deux parties. Attention : L’employeur ne peut pas non plus imposer unilatéralement un lieu de domicile à son salarié, sous peine de porter atteinte au droit à la vie privée et familiale.

Sandra Thiry, avocate associée au sein du cabinet Kopper, précise dans un article pour Cadre Dirigeant Magazine, que :

La justification ne doit pas être discriminatoire. Il n’est pas possible par exemple de considérer la situation de famille du salarié. Cependant, elle peut reposer sur des critères objectifs liés au travail à l’étranger : immigration, sécurité, couverture sociale, fuseau horaire, etc.

Si le salarié n’informe pas son employeur ou qu’il outrepasse son refus, il s’expose au risque de se faire licencier pour cause réelle et sérieuse (jugement de la Cour d'appel de Versailles, arrêt n° 20/02208 du 10 mars 2022, à propos d’un déménagement sans autorisation en Bretagne alors que le contrat mentionnait explicitement que le lieu de travail était en région parisienne). Dans la continuité de ce jugement, on peut supposer que déménager à l’étranger sans autorisation serait puni en principe d’une sanction d’une sévérité égale.

Télétravail à l’étranger : anticiper les formalités et obligations juridiques en découlant

Que les salariés travaillent sur le territoire français ou ailleurs, les obligations de leur employeur restent identiques :

  • L’employeur doit déclarer l’activité professionnelle de ses salariés (à la Sécurité sociale, la mutuelle, l'Urssaf et les services fiscaux).
  • L’employeur a pour obligation d’assurer la sécurité et la santé de ses employés (en application de l’article L4121-1 du Code du travail). À ce titre, tout télétravailleur doit signer un accord de plage horaire de disponibilité et utiliser un système d'auto-déclaration. Le responsable est tenu de s'assurer que le salarié respecte les réglementations et les horaires de travail conformément à l'article L3121-10 du Code du travail (exemple : en vérifiant les heures de connexion au système informatique de l'entreprise).
  •  Attention : Des mesures de sécurité spécifiques peuvent être nécessaires si le pays présente des risques particuliers (sanitaires, naturels, sécuritaires, nucléaires, ou tensions politiques/diplomatiques).
  • Selon l'Accord National Interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020, les entreprises doivent couvrir les frais professionnels de leurs employés en télétravail, y compris à l'étranger (exemples : frais téléphoniques, d'internet, matériel informatique, équipements de bureau pour le télétravail, indemnité télétravail…). Si la présence du salarié est requise dans les locaux de l'entreprise en France, l'entreprise doit financer le retour du salarié de l'étranger.
  • Si le salarié travaille plus de 25% de son temps dans l'un des États membres de l'Union européenne (UE), c'est la loi de l'État dans lequel il a sa résidence habituelle qui s'applique (articles 13, § 1 et 14, § 8 du règlement (CE) n° 883/2004). Par conséquent, il doit être affilié auprès de la Sécurité sociale du pays d’accueil. Si celle-ci ne couvre pas tous les frais, l’employeur pourra être tenu de couvrir le reste à charge. Pour éviter cela, l'employeur peut détacher le salarié (pour une durée maximale de 3 ans). Le détachement permet de conserver le régime social du pays habituel d’emploi.
  •  Attention : Si le salarié travaille hors UE, il faut se référer à ce qui est indiqué dans la convention bilatérale de coordination des régimes de sécurité sociale.

Bon à savoir : Le matériel professionnel confié aux salariés est généralement assuré en France, mais cette assurance peut ne pas être valable à l'étranger.

Attention : Si un salarié télétravaille en dehors de l’UE, il est important qu’il obtienne le visa adéquat. Si les règles d'immigration ne sont pas respectées, la responsabilité de l’employeur pourrait être engagée. Sur le plan fiscal, employer un salarié à l’étranger peut conduire à la reconnaissance d’un établissement stable de l’entreprise à l’étranger, la conduisant à déclarer, précompter et payer l’impôt (via le prélèvement à la source) dans le pays d’accueil.

En conclusion, permettre le télétravail à 100% et de l’étranger est un avantage très intéressant à offrir aux salariés. Mais il est primordial de réfléchir préalablement aux démarches, obligations juridiques et frais supplémentaires que cela peut engendrer pour l’entreprise.

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